Passage du Groupement à la phase terrain

Article proposé par Christian Martin – Expert Forestier au sein du Groupement du Chat Sauvage

Après plusieurs années d’acquisition de parcelles forestières et de mise en place de ses structures, le groupement forestier du Chat Sauvage est passé (lentement) à la phase de terrain. Fort du soutien de centaines de donateurs à travers le monde, de multiples sympathisants réunis en assemblée générale en octobre 2020, d’un enthousiasme et d’une bonne humeur de bon aloi,  plusieurs personnes se sont regroupées pour tenter de mener à bien la mise en valeur des bois Chat Sauvage, toujours dans une vision naturaliste.

Et la tâche s’annonce parfois ardue tant les parcelles ont subi soit l’abandon, soit les coupes sauvages, soit un enrésinement sans lendemain.

Le petit groupe étant plutôt novice dans la connaissance forestière, quelques sorties sur le terrain ont permis de donner des bases en botanique, sylviculture et gestion des coupes.

La visite et la reconnaissance des parcelles est un préalable obligatoire pour bien en situer les limites, l’environnement, l’état des peuplements et leur avenir. La plupart, à part quelques-unes, ont été parcourues par plusieurs membres (voir article sur le marquage des parcelles).

Matériel :

Pour mener à bien cette tâche, l’achat de matériel de base a été décidé : bombes de peinture, un compas forestier pour la mesure des diamètres, appareil GPS pour la géo-situation.

Le groupe peut compter sur un télémètre laser Trupulse 200, un compas forestier, des mètres-ruban de 50 m, relascope de Bitterlich, griffe-rainette, bombes de peinture, Flore Forestière Française, feuilles de cubage, tronçonneuses, coins, tourne-bille, outils divers (Christian Martin).

Plans simple de gestion :

Confiés au cabinet d’expert forestier SUSSE en 2021, ils ont été rendus en retard, en mars 2022. Un martelage avec mesures d’arbres à exploiter a eu lieu entre l’expert et le groupe en décembre 2021

Coupes et travaux :

Toutes les parcelles étant sans entretien depuis longtemps, elles sont toutes plus ou moins urgentes ou importantes en travaux. Les plans simples de gestion nous ont donné un programme.

La parcelle de Chaumeçon (0849) : assez facile d’accès, très intéressante par sa situation et la valeur de ses arbres. Des cloisonnements d’exploitation ont été mis en place puis exploités par des acheteurs de bois de chauffage, membres du Chat Sauvage.

5 chênes, martelés en décembre, ont été vendus à des particuliers qui les ont équarris sur place.

La parcelle de Chaumeçon  plantation résineuse (épicéa et douglas) de 45 ans environ: accès long et assez difficile, jamais éclaircie et scolytée par endroit. Achat, coupe et sortie des bois effectués par un membre du Chat sauvage (Nicolas). Volume : 13,206 m3

La parcelle de Brizon (0972) : accès un peu long, mais intéressante par la valeur de ses arbres. Bois de chauffage vendu à un membre du Chat sauvage (Nicolas)

Les parcelles de Marigny-l’Eglise  (0146-0149) particulièrement intéressantes pour leur diversité et leur richesse, ont été l’objet d’une visite et étude conjointe par le CRPF de Bourgogne et des membres du Chat Sauvage en avril 2022.

Divers :

Depuis février 2022,  les membres du groupe se contactent chaque mois par visioconférence pour partager toutes les informations, prévoir les actions sur place ou se répartir les tâches : sont évoqués, entre autres, urgemment, la recherche d’artisans du bois et acheteurs locaux susceptibles d’être intéressés par la démarche du Chat Sauvage.

– En juin 2022, deux membres du groupe (Frédéric Beaucher et Christian Martin) ont participé à une réunion du Conseil Général de la Nièvre sur les « conséquences du changement climatique sur la forêt ». Ont été présentés les actions du Chat Sauvage (Frédéric Beaucher) et la gestion des forêts en sylviculture naturaliste (Christian Martin). Les réactions et les retours ont été très positifs.

– Le 21 juin 2022 : Participation à la création et la réunion d’un groupe de travail et de valorisation du « Châtaignier, bois et fruit», à Bibracte. Le châtaignier, essence très présente mais sous-estimée avec un fort potentiel dans le Morvan. Deux membres du groupe (Frédéric Beaucher et Christian Martin) ont participé.

– Le 4 juillet 2022 : après un premier contact dans sa scierie en juin, rencontre très sympathique sur nos parcelles forestières avec Tobias Muthesius et Alaïs, concepteurs et fabricants de charpente bois à Chissey-en-Morvan.

Christian Martin – 10 août 2022

Une belle journée de mai de marquage de parcelles

En ce jeudi 26 mai 2022, nous avions rendez-vous devant l’église de Montsauche pour aller marquer les limites de plusieurs parcelles du Chat Sauvage. Après quelques minutes d’attente, je commençais à me demander si j’avais bien compris le rendez-vous. Un grand inconnu me fait signe et surprise c’est Christian Martin qui est venu me chercher pour me mener sur la rue principale où Jean-Pierre Renault que je ne connaissais pas non plus nous attendait.

Tout de suite, nous commençons par les choses sérieuses, avons-nous tout ce qu’il faut pour le casse-croûte ? Pas vraiment de mon côté, heureusement l’épicerie toute proche est ouverte. J’ai vite vu que j’avais affaire à des spécialistes avec non seulement du ravitaillement mais aussi cartes, serpe bien aiguisée, casquette sur la tête, petit couteau, sac à dos et pour Christian le livre de la flore forestière française. Une vraie bible comme je l’ai découvert.

Et nous voilà partis jusqu’au pont de la Cure en bas de Palmaroux près de l’ancien gîte, pour celles et ceux qui connaissent. Je vois tout de suite que nous aurons une très belle journée riche en découvertes ! Moi, plein de questions car je ne connais pas grand-chose. Christian nous décrivant patiemment et dans le détail les plantes dont la première est une espèce invasive qui envahit tout ! Et Jean-Pierre qui, petit à petit, nous conte écrits ou rencontres théâtrales du côté d’Anost et de bien des endroits !

Venons-en aux parcelles, d’abord, il faut les trouver ! La première est au bout d’un chemin qui finit sur une culture de fraises que nous avons évidemment goutées (j’ai appris après que nous étions filmés, heureusement que nous n’avons gouté qu’une fraise !).

Ensuite, heureusement que Christian et Jean-Pierre ont l’œil, qui sur le plan et qui sur le détail qui nous guide, un fossé, un muret, un ancien chemin tout couvert de fougères et de houx.

Nous sommes enfin sur la parcelle ce que confirme le GPS du téléphone mobile quand il veut bien dire où nous sommes. Vivement, le GPS sensible que le groupe a commandé et qui doit arriver !

C’est alors que toute l’expérience forestière de Christian est à l’œuvre avec une description des essences, du hêtre majestueux au houx dont j’ai appris qu’il faisait d’excellents manches d’outils, en passant par le saule marsault (rapidement confondu avec le meursault !) aussi appelé saule des chèvres (salix caprea). Je vous avais bien dit qu’on apprenait beaucoup de choses ! Le terrain est assez humide avec une source sur le haut avec une sorte de lavoir ou abreuvoir très bien caché sous d’épaisses couches végétales et … les pieds qui s’enfoncent dans la vase…

On en oublie vite de marquer les limites du terrain et que nous avons plusieurs parcelles à visiter, tant il y a à voir.

Passons à la prochaine parcelle qui est au-dessus des tourbières de Champgazon. Celle-ci est plus facile à trouver car le long d’un chemin bien marqué et même sur le GR 13.

Cette parcelle est étonnante par sa diversité intrinsèque. Le long du chemin, elle est impénétrable alors on en fait le tour. Sur la bordure haute, grâce aux observations de Jean-Pierre et Christian, j’ai pu comprendre qu’elle a visiblement été éclaircie du fait d’arbres qui se sont couchés depuis une parcelle en vis-à-vis visiblement. Le lieu est propice pour un petit arrêt tellement il est agréable ! Cette fois ci, de nouveaux des saules marsault, on en a vu un de belle taille cassé en son milieu comme cela semble arriver souvent à cet arbre (encore une information apprise ce jour-là merci Christian !). Autant sur la bordure du haut, la parcelle a été éclaircie et agréable pour une pause et une promenade autant le reste de la parcelle est une succession d’essences variées et laissées en libre évolution sans arbre d’aussi belle apparence que sur la parcelle précédente. On y trouve aussi des charmes, des conifères avec quelques douglas mais surtout des épicéas. Le plus frappant concerne ces épicéas très fins et très hauts, assez resserrés. J’ai appris que c’était probablement une zone destinée à la production de sapins de Noël qui n’ont pas trouvé preneur et sont restés sur pied. Nous avons vu plusieurs zones sur diverses parcelles ainsi végétalisées. Cela donne des troncs fins (des « crayons ») dont certains sont brisés à mi-hauteur et d’autres couchés et à moitiés retenus par des feuillus en bordure ou d’autres sapins. On pourrait peut-être en faire des piquets à ce que j’ai compris mais pas bien plus. Enfin plus bas, nous retrouvons quelques jolis hêtres avec leur parterre rougis par leurs feuilles.

Et nous voilà partis vers la dernière parcelle de la journée !

Celle-ci aussi a besoin d’être retrouvée car cachée au milieu d’autres bois. C’est une belle hêtraie avec quelques chênes. Nous en avions vu avant mais moins qu’ici. Et stop ! Au milieu se dresse bien droit et assez jeune (20 ans) un châtaignier, l’unique spécimen de la journée. Jugé en bonne santé, pas atteint par la maladie de l’encre, il a ajouté le plaisir d’une rencontre inattendue à celui de la promenade. Cette parcelle a une forme difficile à circonscrire sur le terrain. Elle est bordée par un chemin pas évident à trouver, par un cours d’eau tout aussi difficile à trouver, mais que la lumière est belle !

Voilà, autant vous dire que si, on doit refaire des visites de parcelles, je recommande à chacune et chacun de vous d’y aller. C’est un vrai plaisir !

Merci à Jean-Pierre et Christian pour cette très belle journée.

Malik

Vous avez dit martelage ?

Vous avez dit martelage ?

Le 14 décembre, des membres du Groupement se sont retrouvés sur des parcelles du Chat Sauvage avec deux experts forestiers et deux charpentiers. But de la journée : repérer puis marquer avec un marteau forestier les arbres destinés à être prélevés. C’est ce qu’on appelle « le martelage ». Cet article rédigé par Danielle Bergeron décrit cette journée particulière pour le Chat Sauvage.



Le mardi 14 décembre a ouvert un nouveau chapitre pour le Chat sauvage : le prélèvement de bois dans les forêts acquises par notre groupement.

Même si – et nous insisterons toujours sur ce point – cette activité est appelée à rester marginale  au regard de nos objectifs essentiels de préservation des écosystèmes forestiers, elle n’est pas à prendre à la légère.

Et la belle journée passée sur plusieurs parcelles en compagnie de deux membres du cabinet de Tristan Susse – l’expert forestier qui a établi nos premiers Plans Simples de Gestion, empêché ce jour-là par la maladie -, Christophe Duchêne et Jérôme Monot, nous a bien convaincu de la complexité de la chose. Surtout si l’on veut éviter de trop bousculer la nature.

Il s’agissait donc de procéder au « martelage » des arbres susceptibles de nous intéresser à titres divers, c’est-à-dire, après avoir repéré ces arbres, de les marquer individuellement à l’aide notamment d’un marteau forestier.

Celui-ci ressemble à une hachette dont le côté opposé porte une marque gravée.  A l’aide de cet outil, le forestier enlève de part et d’autre de l’arbre ainsi qu’à sa base des morceaux d’écorce laissant apparaître le bois clair puis, d’un coup sec,  y imprime sa marque – ici des initiales -. Afin de rendre le marquage plus visible, un peu de peinture est ensuite pulvérisée sur les entailles. Ceci pour les arbres destinés à être coupés pour fournir du bois d’œuvre.

Les forestiers avaient apporté avec eux du matériel supplémentaire qu’ils ont distribué aux personnes présentes. L’autre outil fondamental utilisé ce jour-là était le compas forestier qui permet de mesurer le diamètre de l’arbre, avec des classes de diamètre allant de 5 en 5 (40, 45, 50 cm…). Pour ce qui est de la hauteur – celle de la partie « utile » de l’arbre -, elle était évaluée à l’œil nu. Les chiffres correspondant à chaque arbre sont soigneusement notés par l’expert.

La première parcelle visitée a été celle située sur la rive ouest du Lac de Chaumeçon, une des plus belles que nous possédions, de près de 4ha. Peuplée de hêtre, chênes, charmes, dont un certain nombre de taille respectable.  Il s’agissait avant tout de procéder à une « éclaircie », c’est-à-dire à une coupe sélective d’arbres utilisables dont le retrait permettrait de favoriser la croissance d’autres arbres – ou « tiges » – dits d’avenir. Ou, dans d’autres cas,  de privilégier une essence particulière.

Il y avait parmi nous deux jeunes charpentiers de Brassy qui, quand le bois sera commercialisé, comme nous le souhaitons, en circuit court, se proposent d’en acheter et de venir l’équarrir sur place à la hache, pratique très bénéfique pour la préservation de la forêt. Parmi les associés du groupement, il y avait aussi deux professionnels de la forêt et du bois dont les avis et les conseils venaient compléter ceux des deux techniciens.

Pendant l’essentiel de la matinée, nous avons donc parcouru méthodiquement toute la parcelle à la suite des deux forestiers qui, avec patience et précision, nous expliquaient les divers éléments à prendre en compte. Notamment la lumière. Les houppiers – partie ramifiée des arbres – ne doivent pas se faire concurrence. Mais si l’on dégarnit trop les alentours de l’arbre choisi, le terrain sera envahi de ronces ou autres végétaux.

Il faut donc d’abord apprendre à voir. Et on circule beaucoup le nez en l’air, chaque arbre donnant lieu à des conciliabules qu’il n’est pas toujours aisé de trancher.

Certains arbres sont de belle taille mais présentent tant de difformités ou sont si mal en point qu’on n’envisage pas de les couper (sauf pour des questions de sécurité). On sait maintenant toute l’importance de ces arbres, ainsi que celle du bois mort, pour favoriser la biodiversité dans une forêt. Ils sont donc marqués à la peinture rouge, tantôt par un triangle, tantôt par un E -pour Écologique- et sont appelés à finir leur vie, tranquillement, avec leurs habitants.

En lisière de cette parcelle, certains taillis ont aussi été identifiés comme pouvant être coupés en bois de chauffage et entourés d’un trait de peinture. Mais ce n’était pas l’objectif du jour.

Avant le déjeuner, direction l’autre rive du lac, vers Vaussegrois, pour accéder à une parcelle très différente, car plantée de résineux, épicéas et douglas.

De prime abord l’aspect des épicéas était tout à fait satisfaisant. Intacts, ils n’étaient pas attaqués par le scolyte, cet insecte minuscule qui décime des massifs entiers. Mais il a vite fallu déchanter : passées les premières rangées, on avait bien à faire à des arbres infectés, certains dépérissant. Le conseil de l’expert : couper et débarrasser les arbres scolytés, en allant un peu au-delà de leur zone. Si cela est fait rapidement, la contagion est réduite et le bois reste utilisable.

Quant aux douglas, pas de  problème particulier. Il s’agit, là aussi, simplement d’éclaircir le peuplement.

Toute cette journée, nous avons eu la chance exceptionnelle de voir briller le soleil, alors que nous étions arrivés, pour 8h,  dans le brouillard et pour certains, en affrontant le verglas. Cela rendait la tâche, bien sûr, beaucoup plus facile et agréable.

Après avoir déjeuné dans un restaurant de Brassy, nous avons passé l’après-midi toujours sur des parcelles de cette même commune, plus proches du bourg. Et non loin de l’étang du Vernois. Une partie est au bord de l’eau. Une autre est interrompue par une coupe rase – chez un autre propriétaire -, qui peine à se régénérer.

Là aussi, mélange d’essences, notamment de feuillus et pas mal de beaux arbres. Le travail s’est poursuivi, comme le matin, avec quelques personnes en moins, en deux groupes se rejoignant régulièrement : observer, discuter, marteler, mesurer, enduire de peinture… Jusqu’à ce que la nuit commence à tomber.

Une belle et riche journée, vraiment ! Qui rend très humble sur tous les plans.

La vie de la forêt est si complexe et les interventions humaines peuvent y bouleverser tant d’équilibres, qu’hormis si on ne considère, comme beaucoup, hélas, que la rentabilité financière, on ne peut que mesurer à quel point il faut enrichir nos connaissances et agir avec précaution.

Même s’il ne s’agit pas de se mettre martel en tête !